5 conseils pratiques afin de réussir le sulfitage de son vin


5 conseils pratiques afin de réussir le sulfitage de son vin
Le soufre à l'état naturel doit d'abord être transformé et purifié avant d'être utilisé en vinifation. Crédit photo à Denis Shchigolev sur Unsplash.

Je tiens aussi à exprimer ma gratitude envers Véronique Lemieux qui m'a filé un énorme coup de main en révisant les notions de vinification présentées ici. Pour les personnes intéressées à connaître ses vins, c'est sur Instagram (@les_cuvees_de_veronique) que ça se passe.

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Malgré que les sulfites aient mauvaise presse depuis les années 2000, leur utilisation remonte à l'antiquité : En l'an 23, Pline écrivait que le brûlage de soufre aurait un effet conservateur sur le vin. Aujourd'hui, les sulfites sous leurs diverses formes sont synthétisés à partir du soufre trouvé dans la nature grâce à la chimie moderne. Ce que je vais dire ne plaira pas à tout le monde... mais les sulfites sont aussi naturellement présents dans les raisins et on ne leur reconnait, encore aujourd'hui, aucun substitut unique ayant les mêmes propriétés antiseptiques, antioxydantes et préservatrices de l'arôme et de la couleur du vin. Cet article présentera donc mes 5 conseils pratiques afin de réussir un sulfitage minimal visant à préserver l'originalité et les caractéristiques artisanales de son vin maison.

1. Connaître la différence entre les types de sulfites

Les sulfites sont en fait un terme parapluie rassemblant plusieurs composés chimiques qui, lorsque ajoutés au vin, libèrent du dioxyde de soufre (SO2). Je présente ici bas ses 3 formes les plus courantes, selon leur facilité d'utilisation dans un contexte de vinification maison.

Le métabisulfite de potassium (K2S2O5)

C'est un sel blanc et cristallin qu'il faut dissoudre dans de l'eau avant de l'ajouter au vin. C'est aussi la forme la plus répandue et la plus utilisée de sulfites puisque le potassium qui y est contenu n'ira pas altérer le goût du vin final, contrairement au métabisulfite de sodium qui, comme son nom l'indique, contient du sodium. Je recommande ici le métabisulfite de potassium d'Enobrew, lequel vient dans un sac d'aluminium de 1lb (454g) se refermant et se scellant facilement : Il est primordial d'éviter le contact des sulfites avec l'air ambiant (et humide), comme expliqué dans le prochain paragraphe.

Attention aussi à toujours vérifier la date de péremption des sulfites. En effet, le métabisulfite de potassium, au contact de l'humidité présente dans l'air, va se dégrader et libérer du dioxyde de soufre en avance. Une fois ces vieux sulfites ajoutés au vin, ils libèreront moins de dioxyde de soufre que voulu, faussant ainsi les calculs. L'humidité peut même aller jusqu'à causer une odeur désagréable avec le temps dans les sulfites, laquelle pourrait être transférée au vin si le dosage est important. 

Le métabisulfite de sodium (Na2S2O5)

C'est lui aussi un sel blanc et cristallin qu'il faudra dissoudre dans l'eau en premier. Son utilisation est moins répandue puisque le sodium qui y est contenu peut venir altérer le goût du vin de deux manières : En accentuant la dimension « saline » du vin et en y ajoutant, à fortes doses, des arômes métalliques et amers. Il est pour ces raisons beaucoup plus rarement utilisé et, lorsque c'est le cas, c'est plutôt afin de désinfecter le matériel en le vaporisant sous forme d'eau sulfitée qu'en l'ajoutant directement au moût de raisins.

Le dioxyde de soufre (SO2) à l'état gazeux

C'est impossible à obtenir en vinification artisanal puisque ce gaz est règlementé étant donné sa toxicité. Ce qui est possible, cependant, est d'obtenir des mèches de soufres qui, lorsque brûlées, vont relâcher du dioxyde de soufre gazeux. À quoi cela sert-t-il? À préserver les barriques lorsqu'elles ne contiennent pas de vin : Une mèche brûlée pendant 5 minutes suspendue par un fil métallique dans la barrique va la préserver pour une durée d'un mois.

2. Comprendre les différentes mesures de sulfites

Là où ça se complique, c'est que les sulfites vont partiellement se lier au vin après y avoir été ajoutés. Cette portion « liée » va devenir inactive et donc n'offrira plus les avantages recherchés. Afin de distinguer le tout, la formule suivante est utilisée :

Sulfites totaux = Sulfites libres + Sulfites combinés

Sulfites totaux

C'est la somme totale de tous les sulfites présents dans le vin, peu importe leur forme (libres/combinés) ou leur provenance (artificiels/naturels). 

C'est aussi la mesure des sulfites totaux qui est utilisée par les autorités règlementaires canadiennes afin de déterminer si un vin doit porter la mention « Contient des sulfites ».

Sulfites libres

Ce sont les sulfites qui ne se sont pas combinés et qui sont considérés à toute fin pratique comme « libres ». Un terme équivalent est « actifs », puisque ce sont eux qui agissent immédiatement afin de prévenir l'oxydation et les micro-organismes. Avec le temps, ceux-ci viennent se lient avec les molécules de sucre, d'alcool et d'acide présentes dans le vin et deviennent alors des sulfites combinés.

Sulfites combinés

C'est la portion qui s'est liée avec les composants du vin et qui est par le fait même devenue « inactive ». Dans le jus de raisin naturel, la majorité des sulfites présents seront des sulfites combinés et seule une très faible proportion sera libre, d'où l'intérêt d'ajouter des sulfites artificiels.

3. Savoir comment ajouter des sulfites dans son vin

Avant d'ajouter des sulfites dans son vin, la ou le vinificateur amateur va vouloir mesurer la quantité de sulfites libres (et non pas totaux!) du moût. En pratique, c'est très difficile à faire et le kit disponible en boutiques de vinification est seulement fiable pour du vin blanc (idéalement sec) et non pas du vin rouge. 

C'est à ce moment que la sélection du raisin prend toute son importance : un raisin biologique, qui n'a pas été traité aux sulfites, aura une concentration naturelle très basse permettant d'y ajouter sans tracas des sulfites. Au contraire, des raisins non biologiques ou traités aux sulfites pourraient déjà avoir une grande quantité de sulfites libres et en rajouter comporte alors une probabilité non nulle de rendre ceux-ci détectables au goût, chose considérée comme un défaut très grave pour un vin. 

Il faut aussi noter que la concentration de sulfites (totaux, libres ou combinés) s'exprime en milligrammes par litre, ou mg/L. Une autre unité un peu moins populaire est les parties par million, ou ppm. Pour passer d'une échelle à l'autre :

1 mg/L = 1 ppm

Préparer une solution à 10% afin de sulfites son vin

La méthode la plus couramment utilisée s'appelle la « solution 10% », laquelle tire son nom du fait qu'elle contient environ 10% de son volume en sulfites libérables (donc libres une fois que la solution a été ajoutée au vin). Il ne faut pas oublier que 1g de K2S2Odonne, lorsque dissout dans l'eau, environ 0.5g de SO2 ou autrement dit 0.5g de sulfites libres. Pour préparer la solution, il faut conséquemment  :

  1. Mesurer 20 grammes de métabisulfite de potassium. Il est possible d'utiliser 4 fois une cuillère à thé en considérant que 5 mL  = 5 g. C'est cependant très peu précis, je recommande plutôt d'utiliser une balance alimentaire précise au dixième de gramme près.
  2. Dissoudre complètement (jusqu'à ce que la poudre ne soit plus discernable) dans 100 mL d'eau froide et, idéalement, déminéralisée. L'eau froide peut être mesurée avec des instruments de cuisine telles que des cuillères ou tasses.

Voilà, la solution à 10% est prête pour être utilisée! Au bout d'un mois de conservation dans un contenant en plastique hermétique, elle sera à jeter et recommencer.

Déterminer le volume de solution à 10% à ajouter à son vin

En utilisant la bonne vieille formule apprise au secondaire de C1V1 = C2V2, il devient possible de calculer le volume de la solution à 10% à prélever :

  • C1 = fixe à 100 000, c'est-à-dire la concentration en mg/L de sulfites libres de la solution à 10%
  • V1 = la valeur recherchée, c'est-à-dire le volume de solution à 10% à prélever
  • C2 = le niveau de sulfitage désiré, lequel se situe normalement entre 10 mg/L et 100 mg/L
  • V2 = le volume de la cuvée en litres qu'il faut sulfiter

Si je désire que mes 20 L de moût soient sulfités à hauteur de 50 mg/L j'aurai besoin d'y ajouter exactement 10 mL de solution à 10%  :

C1V1 = C2V2 → V1 = C2V2 / C1 → 50 [mg/L] X 20 [L] / 100 000 [mg/L] = 0.01 L = 10 mL

Bien sûr, ce calcul est quelque peu fastidieux à effectuer et est à risque d'erreur humaine - c'est pourquoi j'ai rassemblé dans la table ci-dessous les volumes en millilitres (mL) à prélever de solution à 10% selon le volume du moût ainsi que la concentration en sulfites libres désirée. 

Le degré de précision peut également être difficile à obtenir avec des cuillères à mesurer : je recommanderais de les utiliser en combinaison avec un petit cylindre gradué de 10 mL, lequel est précis au 0.2 mL près. Avec une cuillère à thé remplie (5 mL) et 3 mL dans le petit cylindre gradué, le volume presque exact (9.04 mL) est obtenu pour une tourie 3 galon de qui doit être sulfitée à 80 mg/L.

Concentration désirée en de sulfites libres en mg/L

(Tourie 1 gallon)
3.8L

(Tourie 3 gallon) 11.3L

(Tourie 5 gallon)

23L

(Dame-jeanne italienne)

54L

(Tonnelet en plastique)
100L

10

0.38 mL

1.13 mL

2.30 mL

5.40 mL

10.00 mL

20

0.76 mL

2.26 mL

4.60 mL

10.80 mL

20.00 mL

30

1.14 mL

3.39 mL

6.90 mL

16.20 mL

30.00 mL

40

1.52 mL

4.52 mL

9.20 mL

21.60 mL

40.00 mL

50

1.90 mL

5.65 mL

11.50 mL

27.00 mL

50.00 mL

60

2.28 mL

6.78 mL

13.80 mL

32.40 mL

60.00 mL

70

2.66 mL

7.91 mL

16.10 mL

37.80 mL

70.00 mL

80

3.04 mL

9.04 mL

18.40 mL

43.20 mL

80.00 mL

90

3.42 mL

10.17 mL

20.70 mL

48.60 mL

90.00 mL

100

3.80 mL

11.30 mL

23.00 mL

54.00 mL

100.00 mL

4. Choisir judicieusement quand ajouter des sulfites

Quoique les bonnes pratiques indiquent qu'il judicieux de fractionner l'ajout des sulfites en plusieurs moments plutôt que de mettre une seule grosse quantité d'un coup, c'est peu pratique de procéder ainsi en vinification maison. En effet, il est difficile d'obtenir des résultats optimaux lors d'un second voir troisième sulfitage car :

  1. Les sulfites libres ayant tendance à diminuer avec le temps, plus le temps passe et plus il faut ajouter de sulfites pour un obtenir le résultat désiré ; et
  2. Il est difficile de mesurer avec précision les sulfites libres à la maison, donc le risque de sulfiter trop ou pas assez est bien présent.

C'est pourquoi il vaut mieux choisir judicieusement son ou ses moments d'ajout de sulfites.

Lors de la vendange et du foulage

Si l'état sanitaires des raisins n'est pas idéal, par exemple que ceux-ci ont commencé à pourrir, ou que les fermentations passées ont eu des problèmes de levures Brettanomyces (« Brett ») alors il serait judicieux de sulfiter lors de la récolte des raisins. Pour des problèmes mineurs, sulfiter à 50 mg/L sera suffisant. Pour des problèmes graves de pourritures et de moisissures, sulfiter jusqu'à 100 mg/L s'avèrera nécessaire selon la gravité observée.

Il faudra bien sûr fouler les raisins avant de pouvoir y ajouter des sulfites. Attention de surveiller le bon démarrage de la fermentation si aucune levure industrielle n'y a été ajoutée car le sulfitage est connu pour nuire aux levures naturelles. Si la vendange est parfaitement saine, pas besoin de sulfiter.

Pendant ou après la fermentation alcoolique

Dans mon précédent article comportant sur la fermentation alcoolique, je brosse le portrait des problèmes pouvant survenir durant cette étape critique. Les symptômes à observer sont indiqués, accompagnés des concentrations de sulfites à ajouter.

Un autre cas de figure après la fin de la fermentation serait celui voulant empêcher la fermentation malolactique (FML) de se déclencher. Sulfiter à ce moment protègera par le fait même le vin contre les bactéries acétiques et lactiques, les lactiques étant responsables de la FML. Si la fermentation alcoolique s'est bien déroulée et que la FML est désirée, pas besoin de sulfiter.

Après la fermentation malolactique et avant l'élevage

Le vin est prêt à être mis en tourie ou en barrique dans le but d'être élevé et stabilisé. Plus le contenant utilisé sera petit, plus le risque d'oxydation sera élevé. Dans un contexte de vin maison, il est déconseillé de prévoir un long élevage puisque de nombreux problèmes (exacerbés par la petite taille des touries en vinification artisanale...) peuvent se produire durant cette période. 

Si tout s'est bien déroulé jusqu'à présent et qu'un élevage de plusieurs mois est voulu, un sulfitage à 50 mg/L pourrait être judicieux. En cas d'absence de période d'élevage, pas besoin de sulfiter.

Après l'élevage mais avant l'embouteillage

L'élevage s'est bien déroulé (ou n'a tout simplement pas eu lieu!) et c'est maintenant le temps d'embouteiller le vin. Si aucun sulfite n'a été utilisé jusqu'à présent car le vin a été travaillé naturellement, un risque de « refermentation » en bouteille demeure. Une telle refermentation, très indésirable puisqu'elle peut faire sortir le bouchon de liège, peut se produire lorsque :

  • La température augmente (lors du transport par exemple), réactivant par du même coup des levures dormantes ; ou/et
  • Le vin comportait des levures spéciales comme la Brett qui peuvent continuer à fermenter dans des conditions peu propices pour les levures régulières de la fermentation alcoolique.

Pour diminuer ce risque, sulfiter entre 20 mg/L et 50 mg/L, selon l'acidité du vin. Un vin très acide requière peu de sulfites alors qu'un vin peu acide nécessitera la dose maximale de 50 mg/L.

Tranche de vie

C'est en nettoyant à l'eau sulfitée un baril dans lequel de l'eau avait été oubliée que Véronique m'a fait un quizz sur les « 4 piliers de la conservation du vin » qui m'a totalement pris au dépourvu. Mon truc pour m'en rappeler à l'avenir? Penser à la catégorie de vins ayant une longévité exceptionnelle : Les rouges de garde tels que l'Amarone della Valpolicella. Celui-ci a  1) un bon niveau d'acidité provenant des raisins, 2) des tannins bien présents, 3) un fort taux d'alcool puisque le sucre des raisins a été concentré par un passage sur la paille et, bien sûr, 4) un généreux sulfitage.

5. Utiliser les sulfites avec précaution et parcimonie

Afin de correctement utiliser les sulfites, des précautions s'imposent.

  • Ne pas excéder 50 mg/L de sulfites libres lors de la consommation : Ajouter trop sulfites aura des effets indésirables, allant jusqu'à affecter le goût du vin. En effet, le seuil olfactif où un dégustateur professionnel va les détecter, se situe entre 20 et 40 mg/L de sulfites libres et est conditionné par l'acidité et le pH du vin. Au-delà de 50 mg/L de sulfites libres et c'est un goût piquant et acre qui apparaîtra, considéré comme un défaut grave pour un vin. Maintenant, si un sulfitage à 100 mg/L a été effectué pour contrôler des raisins pourris, est-ce que le vin est condamné? Pas du tout! Il ne faut pas oublier que les sulfites libres diminuent avec le temps : Jusqu'à 50% deviendront inactifs - donc des sulfites combinés - après seulement 6 mois selon une étude d'Inter Rhône.
  • Nettoyer uniquement des équipements soigneusement choisis : Les sulfites vont venir corroder le métal et sont proscrits sur toute cuve en acier inoxydable, par exemple. La solution à 10% étant par ailleurs très concentrée, tout contact avec la peau et les yeux doit être évitée. Des gants et des lunettes de protection permettent de réduire grandement le risque lors de la manipulation. De même, ses vapeurs sont irritantes et très désagréables à respirer. Il existe de toute manière des produits plus efficaces permettant de nettoyer et de stériliser les équipements de vinification, tels que Oxy-san et One Step.
  • Ne pas considérer les sulfites comme une protection ultime : Les sulfites vont s'oxyder avec le contact de l'air. C'est d'ailleurs la méthode pour réduire la quantité de sulfites libres si jamais le goût est affecté : Brasser et verser le vin d'un contenant à un autre afin d'y incorporer de l'oxygène, forcer l'oxydation des sulfites et diminuer leur concentration. Les sulfites protègent de l'oxydation mais ne vont pas la prévenir. Pour un vin blanc légèrement sulfite, les précautions usuelles vont alors tout de même s'appliquer dans le but de prévenir son oxydation et conséquemment l'apparition d'un défaut.

C'est ce que j'appelle un article complet sur les sulfites! Pour être informé du reste...

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