Comment faire un vin pétillant naturel à la maison


Comment faire un vin pétillant naturel à la maison
Mieux connu sous le nom de « pet nat », ce vin est étonnament facile à réaliser. Crédit photo à Ambitious Studio* | Rick Barrett sur Unsplash.

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Le pétillant naturel — ou pet nat, pour les intimes — est une excellente porte d’entrée dans le monde du vin maison. Il évite plusieurs risques associés à l’élevage traditionnel et permet d’obtenir un vin vivant, frais et souvent unique. Cette méthode, dite « ancestrale », se distingue de la méthode traditionnelle (ou champenoise) surtout par la façon dont la bulle est créée : ici, on laisse simplement la fermentation alcoolique se terminer en bouteille, alors que la méthode traditionnelle exige une seconde fermentation spécialement déclenchée pour produire le gaz. Comme les ressources fiables et exhaustives sur la fabrication de pétillant naturel se font plutôt rares hormis quelques discussions sur Reddit, le sujet s’imposait naturellement pour un article de blogue.

Avantages et inconvénients de faire un pétillant naturel

Avant de décider de vinifier ses raisins avec la méthode ancestrale, quelques facteurs sont à considérer :

Les avantages

  • La bulle va permettre de cacher certains défauts mineurs en vinification maison tels qu'une légère présence de Brettanomyces ou d'acidité volatile ;
  • Une fois le vin embouteillé, il n'y a plus rien à faire! C'est beaucoup moins stressant que de faire un vin tranquille où de nombreux risques subsisteront jusqu'à l'embouteillage final ; et
  • Le vin gardera des arômes de fruits vifs et aromatiques puisque complètement protégé de l'oxydation et la réduction.

Les inconvénients

  • Le vin peut aller dans toutes sortes de directions et il n'y a aucune manière de contrôler ça. Une fois embouteillé, impossible de prédire ce que ça va donner ;
  • Si un défaut majeur apparaît durant la fermentation alcoolique alors il va assurément s'amplifier dans la bouteille ; et
  • En fonction du moment de l'embouteillage, il peut y avoir trop ou pas assez de pression, tout comme les lies qui pourraient être désagréables à la dégustation.

Choisir et préparer les raisins pour réussir son pétillant naturel

Tous les raisins ne se prêtent pas à la production d’un pétillant naturel, surtout pas à n’importe quel stade de maturité : il faut faire un choix éclairé. Pour faciliter l’évaluation, j’ai résumé les quatre conditions clés dans la figure 1 plus bas, reprise et adaptée de cet excellent article.

Le profil de raisins à privilégier

  1. État sanitaire impeccable : Les raisins pourris ou contaminés peuvent introduire des défauts dans le moût et une fois embouteillé, le vin aura de grandes chances d’amplifier ces problèmes.
  2. Acidité élevée (pH < 3.5) : Une grande acidité va protéger le vin durant sa fermentation alcoolique tout en rendant le produit final beaucoup plus agréable à déguster.
  3. Absence de saveurs végétales : Les raisins qui ne sont pas mûrs auront des arômes végétaux qui vont être exacerbés par le pétillant du vin jusqu'à devenir possiblement désagréables.
  4. Degré Brix entre 18 et 21 : Plus bas que ça et le raisin n'est pas assez mûr. Plus haut que ça et le taux d'alcool d'élevé qui en résulte va nuire à la fin de la fermentation en bouteille.
Caractéristiques recommandées pour des raisins destinées à du pétillant naturel

Ma proposition d'itinéraire de vinification

Un itinéraire de vinification est en quelque sorte la « recette » à suivre. Il décrit toutes les décisions clés à prendre afin d'obtenir tel ou tel style de vin. Dans le contexte d'un vin de style « pet nat », voici l'itinéraire que je recommande et que j'ai effectué pour astrofizz :

  1. Cueillir le raisin à 21 degré Brix tout en s'assurant au goût qu'il ait une certaine acidité.
  2. Érafler l'entièreté de la vendange puis la fouler dans un contenant minimisant la présence d'air. 
  3. Laisser macérer les peaux, idéalement à froid, entre 24 et 48 heures.
  4. Presser le moût et transférer dans une tourie placée à température ambiante.
  5. Soutirer à mi-chemin de la fermentation, c'est-à-dire à 1.040 de densité spécifique.
  6. Embouteiller dès que la densité spécifique est aux alentours de 1.003.

Cet itinéraire est simple, facile à reproduire d'année en année tout en permettant de produire un pétillant naturel frais, vif et fruité.

Mesurer la densité avant d'embouteiller : la clé de la réussite

Une fois la fermentation bien en marche, le prochain défi sera d'embouteiller au bon moment. En effet, en embouteillant trop tôt les bouteilles vont exploser ou se vider dès l'ouverture étant donné la pression accumulée, en plus d'avoir une quantité désagréable de lies. En embouteillant trop tard, le vin risque de ne plus pétiller car trop peu de gaz aura été formé lors de la fermentation en bouteille.

Comment bien utiliser un densimètre

Le densimètre est un outil absolument essentiel afin de réussir l'embouteillage de son pétillant naturel étant donné qu'il est beaucoup plus précis qu'un réfractomètre. Pour une prise de mesure réussie :

  1. Remplir le cylindre gradué venant avec le densimètre du moût en fermentation en arrêtant quelques centimètres avant qu'il ne soit plein. La température du moût doit se situer autour de 20 degrés Celsius. Sinon, il faudra corriger la lecture en utilisant une calculatrice en ligne ;
  2. Insérer doucement le densimètre jusqu'à ce qu'il flotte par lui-même. Attention à ne pas le laisser tomber dans le fond car il pourrait se casser ;
  3. Pincer le bout du densimètre puis le faire tourner comme une toupie sur lui-même afin de le mettre en rotation. Ceci aura comme effet d'enlever les bulles de gaz résultant de la fermentation active qui pourraient fausser la lecture ; et
  4. Noter le résultat, puis refaire tourner 2 autres fois en notant à chaque fois. La moyenne des 3 mesures est la densité spécifique du moût en fermentation.

Choisir le moment de l'embouteillage

La fenêtre idéale pour embouteiller un pétillant naturel se situe entre 1.000 et 1.006 de densité spécifique. Les pétillant naturels typiques ont de 2 à 3 bar de pression, faisant de 1.003 la densité spécifique du moment idéal pour embouteiller.

À première vue, 1.000 peut sembler étonnant : cette valeur est généralement associée à l’eau pure, donc à l’absence totale de sucre. Pourtant, le moût n’est pas composé uniquement d’eau : il contient aussi de l’alcool (moins dense que l’eau) ainsi que divers minéraux. Résultat : Même à 1.000, il reste en moyenne entre 2 et 6 g/L de sucre résiduel, ce qui suffit pour générer un pétillant léger. En dessous de 1.000, par contre, il reste si peu de sucre que le vin sera pratiquement plat.

À 1.007 de densité spécifique, le projet devient risqué et c’est pourquoi cette zone est mise en évidence dans le tableau. Afin de constituer ce dernier, j'ai d'ailleurs utilisé la règle empirique voulant que 4 g/L de sucre résiduel génèrent 1 bar de pression en bouteille. Même si une bouteille de qualité peut supporter jusqu’à 8 bar, certaines conditions feront que la pression aura raison de cette dernière, par exemple :

  • Un volume d’air très faible sous la capsule (e.x. : à peine 1 ou 2 cm) ;
  • Une température élevée (e.x. : 30 °C ou plus lors d'une canicule) ; ou
  • Une capsule mal sertie (e.x. : pas assez de force appuyée sur le bras de la capsuleuse).

Par ailleurs, plus il y a de sucre au moment de l’embouteillage, plus la fermentation produira de lies. Ces mêmes lies auront un impact négatif sur la dégustation, lorsque présentes en grande quantité, obligeant un dégorgement par le fait même.

Enfin, dépasser 1.006 entraînera une pression massive dans la bouteille. À l’ouverture, le vin peut littéralement faire un geyser, gaspillant le fruit de tous vos efforts. C'est à vos risques et périls!

Densité spécifique (SG)

Sucre résiduel (g/L)

Pression en bouteille (bar)

1.000

Entre 2.0 et 6.0

Jusqu'à 1.5

1.001

Entre 4.5 et 8.5

Jusqu'à 2.1

1.002

Entre 7.2 et 11.2

Jusqu'à 2.8

1.003

Entre 9.8 et 13.8

Jusqu'à 3.5

1.004

Entre 12.3 et 16.3

Jusqu'à 4.1

1.005

Entre 14.9 et 18.9

Jusqu'à 4.7

1.006

Entre 17.5 et 21.5

Jusqu'à 5.4

1.007

Entre 20.1 et 24.1

Jusqu'à 6.0

1.008

Entre 22.7 et 26.7

Jusqu'à 6.7

1.009

Entre 25.3 et 29.3

Jusqu'à 7.3

Tranche de vie

Lors des vendanges 2025, nous avons voulu garder une tourie de 23L résultant d'un pressurage direct (donc sans contact avec les rafles) afin d'en faire un pétillant naturel. Une combinaison de raisons douteuses nous a convaincus de l'embouteiller alors que la densité spécifique affichait 1.010. Après que le 1/4 des bouteilles ait fui, nous les avons sorties en panique à l'extérieur à environ 0 °C : L'hémorragie était stoppée. Nous avons alors convenu de les dégorger, or la pression était telle que chaque bouteille ouverte causait un geyser. Le projet de pet nat fut déclaré un échec et les bouteilles vidées dans une chaudière afin d'être réintégrée au reste du vin vieillissant en tonnelet.

Le choix de la bouteille, de la capsule et de l’équipement

Afin de fermer hermétiquement les bouteilles adaptées à la pression utilisées pour les pétillants naturels, il convient d'utiliser des capsules à couronne 29mm. Attention à ne pas les mélanger avec les capsules à couronne 26mm qui sont plutôt destinées aux bouteilles de bière. Concernant les bouteilles, je ne peux passer sous silence un important conseil d'ami : Conservez-les et réutilisez-les! Elles sont impossibles à trouver dans les magasins de vinification maison étant donné que ceux-ci ne tiennent en stock que des bouteilles vertes à bouchon de liège.

Les bouteilles adaptées à la pression

J'ai couvert lors de mon précédent article les différents types de bouteilles résistantes à la pression ainsi que comment les reconnaître. Je bonifie donc en montrant ci-dessous le type de bouteille que je recycle à chaque année pour mes cuvées. Celle montrée sur la photo pèse par ailleurs 897 grammes, se qualifiant donc dans la catégorie des bouteilles à mousseux.

J'utilise des bouteilles à champagne transparentes pesant près de 900g

À chaque capsule sa capsuleuse

Il y a deux types de capsuleuse et, bien sûr, j'ai une recommandation...

  • Capsuleuse sur pied (ou à levier) : C'est le type à privilégier puisque l'action du levier applique une pression suffisante permettant de facilement sceller les bouteilles. Je conseillerais ce modèle qui est identique au mien.
  • Capsuleuse à mains (ou à pinces) : Utilisée fréquemment dans le monde brassicole, de nombreux amis vinificateurs m'ont raconté avoir eu des bouteilles qui fuyaient lorsque scellées avec ce type de capsuleuse puisqu'elle n'applique pas suffisamment de pression. À éviter!

Le dégorgement et les styles de pétillant de naturel

Le dégorgement est l'acte d'enlever les lies des vins pétillants et mousseux. Obligatoire en méthode traditionnelle, il est plutôt laissé à la discrétion du vinificateur en méthode ancestrale. Ne pas retirer les lies est d'ailleurs en phase avec la philosophie de « non intervention » des vignerons natures.

Pourquoi, quand et comment dégorger

Pourquoi dégorger? La première raison est que cela permet de retirer les lies et donc d'éviter qu'elles se mélangent au vin par mégarde lors de sa consommation. Moins de gaspillage! La seconde raison est que cela permet aussi de baisser la pression. En ouvrant la bouteille, environ 1 bar de pression sera perdu.

Quand dégorger? Après que la fermentation ait été complétée! C'est facile à reconnaître car le vin deviendra translucide et un dépôt poudreux - les lies - se sera formé au fond de la bouteille. Dans le doute, attendre : Il est tout à fait réaliste de dégorger le printemps suivant la vendange.

Comment dégorger? J'ai assemblé ci-bas la procédure :

  1. Remettre les lies en suspension dans les bouteilles en les brassant, puis mettre les bouteilles à l'envers à la verticale. Truc d'ami : Utiliser des caisses vides, la SAQ les donne.
  2. Une fois que les lies se sont précipitées dans le col de la bouteille jusqu'à la capsule, il faudra les faire geler. Pour cela, sortir la caisse une froide journée d'hiver ou mettre les bouteilles dans son congélateur. Après 60 minutes, le bout devrait être gelé mais pas le vin. C'est le moment de dégorger!
  3. Avec un dégorgeur manuel (ou clé à dégorger) en main, s'assurer d'être suffisamment mal habillé et qu'il n'y ait personne dans les environs. Relever la bouteille à 45 degrés vers le haut, puis retirer d'un coup sec la capsule : Les lies, désormais congelées, seront expulsées par la pression. Enfin, mettre son pouce sur la bouteille afin de prévenir la sortie de plus de vin.
  4. Il faut maintenant remettre la bouteille complètement à la verticale, rajouter du vin afin de compenser ce qui a été perdu, puis la sceller à nouveau avec la capsuleuse. Le tour est joué!

Choisir son style de pétillant naturel

Avec toute cette connaissance en main, l'arbre de possibilités peut paraître impressionnant. Quelle pression en bouteille choisir? Dégorger ou laisser les lies? Afin de guider la décision, je rappelle ci-dessous les 3 styles de vins incontournables dans le domaine :

  • Col Fondo : Le pétillant naturel « originel » provenant d'Italie. Contient entre 1.0 et 2.5 bar de pression et n'est jamais dégorgé ; 
  • Frizzante : Le cousin dégorgé du Col Fondo ; et
  • Spumante : Comme le Frizzante, mais avec une pression allant entre 4.0 et 5.0 bar. Plus souvent fait avec la méthode traditionnelle qu'ancestrale.

Le Spumante est fréquemment confondu avec le Prosecco. Pour les distinguer, il faut se rappeler que le premier est un style de vin alors que le deuxième est une Appellation d'Origine Contrôlée (AOC). Une AOC combine une région géographique, un sous-ensemble de cépages et des règles à suivre. Certains Spumante peuvent donc être des Prosecco et vice-versa.

Toujours indécis ou indécise? Essayez de reproduire le style d'un vin que vous avez aimé! Pour ma part, j'adore les Col Fondo rosés donc c'est ce style que je cherche à recréer, année après année.

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