| Personne ne veut se retrouver avec un vin maison bon seulement pour l'évier ou la cuvette. Crédit photo à Kelsey Curtis sur Unsplash. |
| Personne ne veut se retrouver avec un vin maison bon seulement pour l'évier ou la cuvette. Crédit photo à Kelsey Curtis sur Unsplash. |
En théorie et dans les livres, faire son vin n'est pas si compliqué. Il suffit de trouver du raisin, l'écraser, le presser puis de l'embouteiller. Or, toute personne ayant un peu d’expérience en vinification vous racontera au moins une fois où son vin a tourné au vinaigre, s’est révélé imbuvable ou a failli le devenir. Et c’est là que la déception atteint son comble : tant d’énergie est mise à cueillir, érafler, fouler et presser ses raisins… pour découvrir qu’il faudra attendre jusqu'à l'année prochaine avant de se réessayer. J’ai à cette fin regroupé ici sept erreurs que j’ai soit su éviter, soit commises moi-même, afin d’aider à maximiser les chances de réussite de sa prochaine vinification artisanale.
C'est le premier conseil que n'importe quel vigneron donnera : Toujours tout nettoyer et tout désinfecter son matériel. Le nettoyage vise à retirer les particules, les poussières et toute saleté visible par opposition à la désinfection qui va éliminer les micro-organismes (bactéries, levures, etc.) rendant ainsi le matériel stérile. Le nettoyage peut s'effectuer avec un savon à vaisselle régulier, de préférence sans odeur, alors que la désinfection doit faire appel à de l'eau sulfitée (1 cuillère à thé par litre d'eau) ou à un assainisseur par oxydation tel que One Step.
Pourquoi est-ce si important? Car une propreté approximative favorisera l'apparition de micro-organismes indésirables en trop grandes quantités durant la fermentation alcoolique tels que les bactéries acétiques, les levures Brettanomyces ou les bactéries lactiques. Celles-ci sont responsables de nombreux défauts du vin et peuvent facilement rendre une cuvée imbuvable. Il est difficile de s'en débarrasser en vinification maison autrement que par un sulfitage à 50 mg/L : vaut mieux chercher à les prévenir à tout prix.
Lorsqu'une cuvée est réussie et que sa dégustation par la famille et les amis fait fureur, le premier réflexe est de vouloir répéter l'expérience l'année d'après. Or, pour qu'une cuvée soit reproductible, il faut se rappeler comment elle a été réalisée et avec quels paramètres. Je conseille donc vivement de rédiger une « fiche technique » pour chaque cuvée couvrant :
Cette « fiche technique » permettra une forme de consistance d'une année à l'autre pour une même cuvée. Mieux encore, elle permettra d'expérimenter en faisant varier dans le futur un ou plusieurs paramètres (e.x. : durée de macération des peaux) en vue d'améliorer son vin!
J'utilise ici le terme « inspecter » car il ne suffit pas de sentir ou de goûter le vin : il faut faire les 2, puis en profiter pour mesurer la densité. Un densimètre devient alors essentiel. C'est particulièrement critique de le faire jusqu'à ce que la fermentation alcoolique soit terminée et que le vin ait été entièrement pressé. Voici ce en quoi constitue une inspection « régulière » en vinification artisanale qu'il conviendra de noter à chaque fois sur une feuille de papier :
En vue d'inspecter régulièrement, l'outil de choix est ce qu'on appelle un « voleur à vin », sorte de pipette surdimensionnée permettant de facilement prélever du vin en tourie. Je recommande ce modèle en plastique que j'utilise depuis plusieurs années et qui est facile à nettoyer en plus d'être incassable.
Lors de la fermentation, un volume trop important d'air peut faciliter l'apparition de bactéries acétiques. Même si cela est moins fréquent que durant l'élevage, il faut tout de même chercher à ne pas laisser plus que 10% d'air dans ses touries durant la fermentation alcoolique. Attention à ne pas trop les remplir cependant! Le moût prendra de l'expansion et débordera sous l'effet de la chaleur dégagée par les levures, tel que montré dans l'image ci-bas, immortalisée lors de ma vendange 2025...
De plus, dès que la fermentation alcoolique est complétée, le vin n'est plus protégé de l'oxygène. Ceci est particulièrement dangereux lors de l'élevage puisque, encore une fois, cela va favoriser l'apparition de la bactérie acétique tout en causant une oxydation phénolique prématurée du vin. Comment savoir si son vin est oxydé? Visuellement, il aura changé de couleur : s'il est blanc, il aura jauni et s'il est rouge, il aura pris une teinte rappelant la brique. Au goût, les arômes de fruits désormais presque absents pourront avoir été remplacés par des arômes de noix, de sherry ou de caramel.
Un remplissage astucieux de ses touries ne préviendra pas totalement ces maux étant donné que le vin s'évapore naturellement durant l'élevage. Les différentes inspections feront aussi, à la longue, diminuer le volume en deçà de ce qui serait considéré comme sécuritaire. Il faut à ce moment « ouiller » son vin, ce qui consiste à rajouter du vin jusqu'à quelques centimètres de la bonde. Pour un ouillage réussi, il faut également :
C'est difficile de prévoir exactement la bonne quantité de contenants puisque le volume de la récolte variera beaucoup tout au long de la vinification, notamment lors des étapes :
Dans tous les cas, un minimum de 25% du volume initial sera perdu et avec un pressage très léger, cela pourrait aller jusqu'à concurrence de 50%. Ainsi, un 100kg de raisins entiers pourra donner n'importe où entre 50L et 75L de jus pressé. Par exemple, si j'ai uniquement 2 touries 6 gallon (23L chaque) et que 56L de jus est pressé, cela veut dire que 10L seront perdus (56L - 2 X 23L)! Il est donc primordial de posséder quelques touries de toutes les tailles afin de minimiser ses pertes.
Ma cuvée oxymarc a été nommée suite à cette erreur. J'avais décidé de remplir l'entièreté des 14 bouteilles résistantes à la pression que je possédais, sans égard au volume de moût que cela me laisserait. Après l'embouteillage, je n'avais désormais assez de jus que pour remplir à moitié ma tourie 6 gallon... Bien sûr, je ne m'en étais pas rendu compte sur le coup et ce n'est que plusieurs semaines plus tard que ça m'a frappé. J'ai ainsi acheté en panique une tourie 3 gallon mais le mal était fait et, à la fin du vieillissement, le vin présentait tous les symptômes d'un vin oxydé.
L'embouteillage doit être effectué au bon moment, surtout lorsqu'il est question de réaliser un pétillant naturel ou un jeune vin avec peu d'élevage du style « Beaujolais nouveau ». Voici les principaux problèmes qui peuvent survenir :
J'ai aussi consolidé dans le tableau ci-bas les 3 familles de bouteilles supportant la pression. Il existe aujourd'hui une multitude de fournisseurs, rendant la tâche impossible de fournir une image représentant toutes les variétés d'un type donné. Mon conseil est donc de les peser puisque le poids, reflet de l'épaisseur du verre, donnera une bonne idée de sa capacité à supporter la pression.
|
Type de bouteille |
Utilisation typique |
Poids de la bouteille (g) |
Pression supportée (Bar) |
|---|---|---|---|
|
Bouteille à pétillant |
Vins perlants, vins de style « frizzante » |
~ 480 |
jusqu'à 3 |
|
Bouteille à cidre (à fond renforcé) |
Pétillants naturels |
~ 600 |
jusqu'à 4 |
|
Bouteille à mousseux |
Crémants, vins de style « cava » et vins mousseux réalisés avec la méthode traditionnelle (e.x. : Champagne) |
de 800 à 900 |
jusqu'à 8 (pour les modèles les plus lourds) |
Faire du vin en tourie de verre ou de plastique avec peu (moins d'un an) ou pas d'élevage (pour un pétillant naturel) donne un résultat unique et très intéressant tout en étant facile à réaliser dans un contexte de vin maison. En variant les cépages, la durée de contact des peaux avec le jus, la présence ou l'absence de rafles et l'intensité du pressage, les possibilités sont presque infinies.
Ce qui est moins facile et beaucoup plus risqué? Vieillir son vin en barrique de chêne, macérer les peaux dans le jus pendant plus de 2 semaines, effectuer la méthode traditionnelle champenoise, tenter un élevage sous voile oxydatif... Toutes ces techniques sont difficiles à maîtriser dans un contexte de vinification maison sans une expérience significative dans un vignoble ou l'accompagnement d'un ou d'une experte. Qui plus est, elles comportent un grand risque que le vin s'oxyde ou tourne au vinaigre sous l'action des bactéries acétiques.
En évitant ces erreurs, le pire sera lui aussi évité! Pour être tenu informé du reste...
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