Les 7 erreurs de débutant à éviter en vinification artisanale


Les 7 erreurs de débutant à éviter en vinification artisanale
Personne ne veut se retrouver avec un vin maison bon seulement pour l'évier ou la cuvette. Crédit photo à Kelsey Curtis sur Unsplash.

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En théorie et dans les livres, faire son vin n'est pas si compliqué. Il suffit de trouver du raisin, l'écraser, le presser puis de l'embouteiller. Or, toute personne ayant un peu d’expérience en vinification vous racontera au moins une fois où son vin a tourné au vinaigre, s’est révélé imbuvable ou a failli le devenir. Et c’est là que la déception atteint son comble : tant d’énergie est mise à cueillir, érafler, fouler et presser ses raisins… pour découvrir qu’il faudra attendre jusqu'à l'année prochaine avant de se réessayer. J’ai à cette fin regroupé ici sept erreurs que j’ai soit su éviter, soit commises moi-même, afin d’aider à maximiser les chances de réussite de sa prochaine vinification artisanale.

1. Maintenir une propreté approximative

C'est le premier conseil que n'importe quel vigneron donnera : Toujours tout nettoyer et tout désinfecter son matériel. Le nettoyage vise à retirer les particules, les poussières et toute saleté visible par opposition à la désinfection qui va éliminer les micro-organismes (bactéries, levures, etc.) rendant ainsi  le matériel stérile. Le nettoyage peut s'effectuer avec un savon à vaisselle régulier, de préférence sans odeur, alors que la désinfection doit faire appel à de l'eau sulfitée (1 cuillère à thé par litre d'eau) ou à un assainisseur par oxydation tel que One Step.

Pourquoi est-ce si important? Car une propreté approximative favorisera l'apparition de micro-organismes indésirables en trop grandes quantités durant la fermentation alcoolique tels que les bactéries acétiques, les levures Brettanomyces ou les bactéries lactiques. Celles-ci sont responsables de nombreux défauts du vin et peuvent facilement rendre une cuvée imbuvable. Il est difficile de s'en débarrasser en vinification maison autrement que par un sulfitage à 50 mg/L : vaut mieux chercher à les prévenir à tout prix.

2. Ne rien mesurer ou ne rien noter

Lorsqu'une cuvée est réussie et que sa dégustation par la famille et les amis fait fureur, le premier réflexe est de vouloir répéter l'expérience l'année d'après. Or, pour qu'une cuvée soit reproductible, il faut se rappeler comment elle a été réalisée et avec quels paramètres. Je conseille donc vivement de rédiger une « fiche technique » pour chaque cuvée couvrant :

  • Le degré Brix (ou Brix) mesuré des raisins le jour de la cueillette. Le Brix est le nombre de grammes de sucre par 100 grammes de liquide et se mesure avec un réfractomètre ;
  • Les cépages et utilisés et le % de chacun d'entres eux dans le cas d'une co-macération/co-fermentation ; et
  • Le protocole de vinification, c'est-à-dire la réponse aux questions suivantes : Est-ce que les grappes ont été éraflées? Combien de temps les peaux ont-elles macéré avec le jus? Quel était le Brix du jus avant son pressage? Avec quel outil et avec quelle force a été effectué le pressage? La macération s'est-elle effectuée à température ambiante? Qu'en est-il de la fermentation alcoolique? Combien de soutirages ont été effectuées? Le vin a été élevé pendant combien de temps et dans quel contenant? 

Cette « fiche technique » permettra une forme de consistance d'une année à l'autre pour une même cuvée. Mieux encore, elle permettra d'expérimenter en faisant varier dans le futur un ou plusieurs paramètres (e.x. : durée de macération des peaux) en vue d'améliorer son vin!

    3. Ne pas inspecter régulièrement son vin

    J'utilise ici le terme « inspecter » car il ne suffit pas de sentir ou de goûter le vin : il faut faire les 2, puis en profiter pour mesurer la densité. Un densimètre devient alors essentiel. C'est particulièrement critique de le faire jusqu'à ce que la fermentation alcoolique soit terminée et que le vin ait été entièrement pressé. Voici ce en quoi constitue une inspection « régulière » en vinification artisanale qu'il conviendra de noter à chaque fois sur une feuille de papier :

    • Durant la macération ou la fermentation : À chaque 2 jours. Ne pas oublier de sentir l'odeur se dégageant de la cuve de fermentation en plus de sentir puis de goûter le moût en soit. En effet, si la cuve dégage une légère odeur d'acidité volatile (vernis à ongles) mais que le moût non, il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Aussi, si la densité n'a peu ou pas bougé depuis la dernière inspection, c'est qu'il y a un problème ;
    • Durant l'élevage : À chaque 2 semaine. Il peut être tentant de vouloir oublier son vin jusqu'au printemps mais ce serait jouer avec le feu. Même si le vin complètement fermenté est beaucoup plus stable, les petits contenants utilisés vinification artisanale sont propices à l'apparition d'un voile de micro-organismes indésirables.
    • Durant le vieillissement : À chaque 6 mois. En effet, l'évolution du vin sera beaucoup plus lente une fois en bouteille. Une dégustation aux 6 mois est dans ce cas suffisante pour déterminer si sa maturité est optimale. Attention à ne pas faire vieillir plus de quelques années puisque la plupart des vins artisanaux sont matures après 6 à 12 mois en bouteille et se prêteront mal à un vieillissement prolongé.

    En vue d'inspecter régulièrement, l'outil de choix est ce qu'on appelle un « voleur à vin », sorte de pipette surdimensionnée permettant de facilement prélever du vin en tourie. Je recommande ce modèle en plastique que j'utilise depuis plusieurs années et qui est facile à nettoyer en plus d'être incassable. 

    4. Laisser trop d'air dans ses touries

    Lors de la fermentation, un volume trop important d'air peut faciliter l'apparition de bactéries acétiques. Même si cela est moins fréquent que durant l'élevage, il faut tout de même chercher à ne pas laisser plus que 10% d'air dans ses touries durant la fermentation alcoolique. Attention à ne pas trop les remplir cependant! Le moût prendra de l'expansion et débordera sous l'effet de la chaleur dégagée par les levures, tel que montré dans l'image ci-bas, immortalisée lors de ma vendange 2025...

    Tourie qui « bave », aussi appelé le débordement de fermentation

    De plus, dès que la fermentation alcoolique est complétée, le vin n'est plus protégé de l'oxygène. Ceci est particulièrement dangereux lors de l'élevage puisque, encore une fois, cela va favoriser l'apparition de la bactérie acétique tout en causant une oxydation phénolique prématurée du vin. Comment savoir si son vin est oxydé? Visuellement, il aura changé de couleur : s'il est blanc, il aura jauni et s'il est rouge, il aura pris une teinte rappelant la brique. Au goût, les arômes de fruits désormais presque absents pourront avoir été remplacés par des arômes de noix, de sherry ou de caramel.

    Comment ouiller afin de minimiser l'air dans une tourie

    Un remplissage astucieux de ses touries ne préviendra pas totalement ces maux étant donné que le vin s'évapore naturellement durant l'élevage. Les différentes inspections feront aussi, à la longue, diminuer le volume en deçà de ce qui serait considéré comme sécuritaire. Il faut à ce moment « ouiller » son vin, ce qui consiste à rajouter du vin jusqu'à quelques centimètres de la bonde. Pour un ouillage réussi, il faut également :

    • Utiliser du vin provenant de la même cuvée ou, sinon, de qualité et de fabrication similaires ; 
    • S'assurer que les fermentations alcoolique et malolactique sont complétées ; et
    • Ouiller fréquemment, c'est-à-dire tous les un ou deux mois pour une tourie en verre ou en plastique, par opposition à un tonneau de chêne où il est requis d'ouiller à chaque 2 semaines.

    5. Ne pas prévoir assez de contenants

    C'est difficile de prévoir exactement la bonne quantité de contenants puisque le volume de la récolte variera beaucoup tout au long de la vinification, notamment lors des étapes :

    • D'éraflage, où le volume occupé par les raisins entiers diminuera d'entre 5% et 10% car les rafles seront retirées. Il faudra ici s'assurer que les baies remplissent le contenant dans lequel elles reposeront après que le foulage ait eu lieu ;
    • Du pressage, où le volume occupé par les raisins foulés diminuera d'entre 20% et 40% car les peaux et les pépins seront retirés. La grande variabilité s'explique par la technique de pressage : Plus le jus est pressé et moins les pertes seront grandes mais au détriment d'un jus plus « bourbeux » et trouble nécessitant d'être clarifié ou soutiré ; et
    • Du soutirage, où le volume occupé par le jus pressé diminuera d'entre 1% et 5% selon l'épaisseur des lies puisqu'elles demeureront dans le fond de la tourie ou de la cuve.

    Dans tous les cas, un minimum de 25% du volume initial sera perdu et avec un pressage très léger, cela pourrait aller jusqu'à concurrence de 50%. Ainsi, un 100kg de raisins entiers pourra donner n'importe où entre 50L et 75L de jus pressé. Par exemple, si j'ai uniquement 2 touries 6 gallon (23L chaque) et que 56L de jus est pressé, cela veut dire que 10L seront perdus (56L - 2 X 23L)! Il est donc primordial de posséder quelques touries de toutes les tailles afin de minimiser ses pertes.

    Tranche de vie

    Ma cuvée oxymarc a été nommée suite à cette erreur. J'avais décidé de remplir l'entièreté des 14 bouteilles résistantes à la pression que je possédais, sans égard au volume de moût que cela me laisserait. Après l'embouteillage, je n'avais désormais assez de jus que pour remplir à moitié ma tourie 6 gallon... Bien sûr, je ne m'en étais pas rendu compte sur le coup et ce n'est que plusieurs semaines plus tard que ça m'a frappé. J'ai ainsi acheté en panique une tourie 3 gallon mais le mal était fait et, à la fin du vieillissement, le vin présentait tous les symptômes d'un vin oxydé.

    6. Embouteiller trop rapidement

    L'embouteillage doit être effectué au bon moment, surtout lorsqu'il est question de réaliser un pétillant naturel ou un jeune vin avec peu d'élevage du style « Beaujolais nouveau ». Voici les principaux problèmes qui peuvent survenir :

    • Le vin est embouteillé trop tôt dans sa fermentation alcoolique : Lors de la réalisation d'un pétillant naturel, la densité spécifique devrait se situer entre 1.005 et 1.007 et ne pas dépasser 1.010 dans le pire des cas. Si le moût est embouteillé au-dessus de cette valeur, la bouteille pourrait exploser, particulièrement si elle n'a pas un fond renforcé. Utiliser une bouteille à vin mousseux n'est pas souhaitable non plus puisque la forte pression combinée à la grande quantité de lies causera fort probablement un geyser à l'ouverture.
    • Le vin est embouteillé sans que la fermentation malolactique (FML) n'ait été terminée : La FML se déclenche quelques semaines à quelques mois après la terminaison de la fermentation alcoolique. Durant celle-ci, les bactéries lactiques vont dégager un peu de gaz carbonique et si le vin a été embouteillé, celui-ci sera très légèrement effervescent, comme un perlant ou un vin de style « frizzante ». Ceci ne produira que très peu de pression mais dans le cas d'une bouteille fermée avec un bouchon de liège, cela sera suffisant pour l'expulser. Afin de savoir si la FML s'est effectuée, il faut surveiller le bulleur, lequel va démarrer et s'arrêter une deuxième. Les notes de dégustation prises lors des inspections permettront aussi de déceler une certaine rondeur accompagnée d'une acidité moins vive.
    • Le vin est embouteillé dans la mauvaise bouteille : Ça arrive! Il est facile de mélanger les bouteilles à pétillant avec les bouteilles à cidre. Une règle facile permettant de les distinguer est que les bouteilles à cidre ont un fond épais et renforcé visible à l'oeil nu. Attention aussi à ne pas mélanger les bouteilles requérant des capsules couronne avec celles requérant du liège, particulièrement pour des bouteilles transparentes. Le truc : Regarder la bague de près qui indiquera si du liège (à gauche) ou une capsule couronne (à droite) est requis.
    La bague indique s'il faut utiliser du liège ou une capsule couronne

    J'ai aussi consolidé dans le tableau ci-bas les 3 familles de bouteilles supportant la pression. Il existe aujourd'hui une multitude de fournisseurs, rendant la tâche impossible de fournir une image représentant toutes les variétés d'un type donné. Mon conseil est donc de les peser puisque le poids, reflet de l'épaisseur du verre, donnera une bonne idée de sa capacité à supporter la pression.

    Type de bouteille

    Utilisation typique

    Poids de la bouteille (g)

    Pression supportée (Bar)

    Bouteille à pétillant

    Vins perlants, vins de style « frizzante »

    ~ 480

    jusqu'à 3

    Bouteille à cidre (à fond renforcé)

    Pétillants naturels

    ~ 600

    jusqu'à 4

    Bouteille à mousseux

    Crémants, vins de style « cava » et vins mousseux réalisés avec la méthode traditionnelle (e.x. : Champagne)

    de 800 à 900

    jusqu'à 8 (pour les modèles les plus lourds)

    7. Vouloir faire du vin comme les pros

    Faire du vin en tourie de verre ou de plastique avec peu (moins d'un an) ou pas d'élevage (pour un pétillant naturel) donne un résultat unique et très intéressant tout en étant facile à réaliser dans un contexte de vin maison. En variant les cépages, la durée de contact des peaux avec le jus, la présence ou l'absence de rafles et l'intensité du pressage, les possibilités sont presque infinies. 

    Ce qui est moins facile et beaucoup plus risqué? Vieillir son vin en barrique de chêne, macérer les peaux dans le jus pendant plus de 2 semaines, effectuer la méthode traditionnelle champenoise, tenter un élevage sous voile oxydatif... Toutes ces techniques sont difficiles à maîtriser dans un contexte de vinification maison sans une expérience significative dans un vignoble ou l'accompagnement d'un ou d'une experte. Qui plus est, elles comportent un grand risque que le vin s'oxyde ou tourne au vinaigre sous l'action des bactéries acétiques.

    En évitant ces erreurs, le pire sera lui aussi évité! Pour être tenu informé du reste...

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